Biens immobiliers à usage privé dans une société professionnelle : à proscrire !

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La ficelle a été largement utilisée dans le domaine de l’impôt sur les revenus : un dirigeant fait acheter (en pleine propriété ou en usufruit) sa propre habitation par sa société professionnelle, il s’octroie un ATN pour l’usage gratuit (ou le porte dans son compte-courant) et la société déduit l’entièreté de l’investissement (amortissements/charges/frais).

L’avantage du montage est évident : le dirigeant fait une sérieuse économie sur le coût de son habitation privée et la société aussi, puisqu’elle déduit le tout sans avoir le moindre revenu en compensation.

L’administration fiscale a lutté contre ce genre de montages durant des années, pour finalement arriver à obtenir gain de cause devant la Cour de cassation, au motif que les coûts déduits par la société ne répondent pas au critère exigé pour qu’il s’agisse de frais professionnels : ils n’ont pas été exposés pour acquérir ou conserver des revenus imposables.

Les contribuables concernés défendaient toutefois que l’ATN était une modalité de rémunération du dirigeant, ce qui justifiait la déduction fiscale des coûts de l’habitation.

La Cour de cassation n’a toutefois pas fait droit à cette argumentation.

De nouveaux litiges arrivent maintenant devant les juridictions inférieures et celles-ci se mettent à suivre la théorie développée par la Cour de cassation.

Il semblerait que ce genre de montage soit encore utilisé de nos jours, alors qu’il est purement et simplement à proscrire, surtout quand il s’agit d’une seconde résidence, particulièrement si elle est située à la côte belge.

Ainsi, dans un arrêt du 4 décembre 2018, la cour d’appel de Gand a rejeté la déduction au titre de frais professionnels de la partie privée de l’habitation d’un conseil fiscal, ainsi que de son appartement à la mer. L’argument des prestations professionnelles du dirigeant pour compte de la société et de l’avantage de toute nature n’ont pas été entendus.

Idem dans un arrêt du même jour de la même cour, à propos de l’usufruit d’une habitation acheté par une société de management et mis à disposition gratuite de son dirigeant contre un simple ATN.

Idem encore dans un arrêt du même jour de la même cour, mais portant cette fois sur la révision de la déduction de la TVA. Une société avait acquis un immeuble et l’avait donné en location à son dirigeant, mais elle avait déduit l’entièreté de la TVA (l’immeuble était neuf). La Cour refusa la déduction de la TVA au motif qu’il y avait location privée, activité exemptée en vertu de l’article 44 CTVA.

Enfin, nous citerons un autre arrêt du 17 septembre 2019, toujours de la cour d’appel de Gand. Dans cette affaire, une société avait à nouveau déduit l’entièreté de ses coûts sur l’acquisition d’un immeuble d’habitation mis à disposition de son dirigeant contre un ATN. Le contribuable, qui profitait gratuitement, contre un ATN, d’un villa sise à Knokke, défendait l’idée que les frais de résidence d’agrément devaient être déductibles en vertu de l’article 53, 9°, CIR 92 qui précise que ces dépenses constituent des frais professionnels « dans la mesure où le contribuable établit qu’ils sont nécessités par l’exercice de son activité professionnelle en raison même de l’objet de celle-ci ou qu’ils sont compris parmi les rémunérations imposables des membres du personnel au profit desquels ils sont exposés ».

Le contribuable voyait dans l’ATN le respect de cette condition.

La cour rejeta son argumentation, mais pas complètement : elle admit que les frais déduits par la société au titre de la villa de Knokke devaient être admis en dépenses professionnelles, mais uniquement à concurrence du montant de l’avantage de toute nature déclaré.

Dans toutes ces affaires, les contribuables sont repartis bredouilles avec leurs savants montages.

Tous les autres qui se trouvent dans des situations similaires feraient bien de s’inquiéter…

Source : Emile MASSET – Rédacteur en chef Taxwin

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