INVESTIR LA TRÉSORERIE DE LA SOCIÉTÉ DANS L’IMMOBILIER

Investir la trésorerie de sa société dans l’immobilier

 

Article du 30/05/2015

 

Certaines sociétés, dont un certain nombre de PME, ont accumulé des réserves au cours de leurs années de fonctionnement. Celles-ci ont été constituées afin que leur dirigeant puisse, lorsqu’il décidera de mettre un terme à ses activités bénéficier de revenus suffisants pour assurer sa fin de vie et celle de sa famille.

 

Il comptait donc sur le boni de liquidation pour agrémenter ses vieux jours sans trop bourse délier. Pour rappel, c’était 0% il y a quelques années, c’est ensuite passé à 10% et c’est maintenant 25%, comme les dividendes ordinaires.

 

Il y a bien eu des mesures transitoires comme l’art.537 cir/92 qui a fait couler beaucoup d’encre et qui a permis à toutes ces sociétés de distribuer leurs réserves avec un taux de précompte mobilier de 10%, sous la condition de maintenir ces réserves dans la société, via une augmentation de capital, durant 4 ans (8 ans pour les grandes sociétés). Ensuite, la réduction de ce nouveau capital était nette d’impôt.

 

Il y a eu encore cette réserve de liquidation, qui consiste à mettre dans une réserve immunisée tout ou partie des bénéfices de l’exercice, moyennant une cotisation spéciale de 10% à charge de la société, pour bénéficier de cette réserve en exemption de précompte mobilier lors de la liquidation de la société.

 

Jusqu’ici, nous n’avons parlé que des capitaux propres.

 

Mais pour que ceux-ci servent à ce que pourquoi ils ont été constitués, il faut qu’ils soient représentés par des actifs.

 

Bon nombre de sociétés avaient placés ceux-ci dans des placements financiers (actions, sicav’s, comptes bancaires).

 

Mais depuis que la BCE a choisi d’écraser les taux d’intérêt au niveau zéro, voire négatif, laisser la trésorerie de sa société sur un compte bancaire devient improductif. Vu la dégelée que les actionnaires ont subie en bourse en 2008, il faut un certain courage pour y réinvestir maintenant, même si les rendements semblent intéressants, … comme avant 2008.

 

Il reste alors l’immobilier. Un certain nombre de PME se tournent vers ce nouveau marché : rendement fixe, gestion parfois compliquée et risque de non-paiement durant une certaine période d’insolvabilité du locataire. Il y a aussi l’immobilier de bureau ou l’immobilier de vacances, dont les risques ne sont pas différents de la location d’habitation.

 

Notre propos n’est pas de déterminer si ces investissements destinés à utiliser la trésorerie de la société sont intéressants ou non.

 

Il est au contraire question de savoir si une société peut, du jour au lendemain, liquider tous ses placements de trésorerie pour les investir dans l’immobilier locatif.

 

Première question à envisager : l’immobilier locatif est-il encore un placement de trésorerie ou un investissement à long terme ?

 

Chacun est libre de placer ses économies selon ses affinités. Du point de vue comptable toutefois, il faut distinguer entre les placements de trésorerie, qui consistent en des éléments financiers et les placements immobiliers qui, dans l’hypothèse que nous envisageons, ne sont pas destinés à être revendus à court terme. Le meilleur endroit pour les comptabiliser est donc le compte 26 Autres immobilisations corporelles, vu qu’il ne s’agit pas d’immeubles affectés à l’exploitation. Il n’en reste pas moins que des amortissements pourront être pratiqués. A notre sens, ils ne sont pas obligatoires dans la mesure où l’immeuble ne perd pas de sa valeur. Ils peuvent aussi faire l’objet de plus-values de réévaluation dans la mesure où leur valeur vénale augmente fortement.

 

Deuxième question à envisager : les statuts de la société autorisent-ils ce type de placement-investissement ?

 

Dans à peu près tous les statuts des sociétés, on trouve au dernier alinéa de l’article consacré à l’objet de la société un texte qui dit que la société pourra effectuer toutes opérations de nature immobilière, mobilière ou financière qui rentrent dans le cadre de son objet social, qui le favoriseraient ou permettraient de le développer.

 

C’est suffisamment vague pour tout englober, dont le placement de la trésorerie en investissements immobiliers.

 

Dans un retentissant arrêt du 10.12.2010, la Cour de Cassation a toutefois rejeté l’affirmation selon laquelle tous les frais qui découlent du seul fait qu’une société existe sont nécessairement déductibles et qu’il ne faut pas démontrer que ces frais ont été faits ou supportés pour acquérir ou conserver des revenus imposables. Les dépenses d’une personne morale ne peuvent être considérées comme des charges professionnelles que si elles sont nécessairement en lien avec son activité sociale.

 

Il nous semble pourtant que dans notre cas d’espèce, les dépenses doivent être déductibles, parce que les loyers produits par les immeubles de placements seront imposables, de même que la plus-value.

 

Cela n’a donc rien à voir avec une société qui achète l’usufruit d’un immeuble qu’elle met à la disposition comme habitation pour son dirigeant, lequel est d’ailleurs titulaire de la nue-propriété de l’immeuble.

 

Troisième et dernière question à envisager : ces placements, qui nécessitent une gestion active, sont-ils encore des placements ou deviennent-ils une nouvelle activité, avec les conséquences que l’on peut supposer en termes d’assujettissement à la tva ?

 

Si selon nous les revenus et les dépenses générés par les immeubles de placement sont liés à l’activité sociale, et donc imposables pour les premiers et déductibles pour les secondes, il reste à aborder cette déduction sous son aspect tva : la société devient-elle du fait de la gestion de ses immeubles de placement un assujetti partiel ?

 

La réponse nous semble ici aussi positive, dans la mesure où la société engage des dépenses pour donner des immeubles en location, activité exonérée de la tva en vertu de l’art.44, §3 ctva.

 

Mais est-ce un problème ? Assurément non, puisque l’objectif n’est pas de récupérer la tva sur les dépenses mais de faire en sorte que les excédents de trésorerie de la société soient placés dans des investissements qui permettent d’engranger des revenus sous forme de loyers et de plus-values. En outre, et surtout, au lieu d’appliquer le prorata général, la société a la possibilité de demander à l’administration l’affectation réelle (art.46, §2 ctva).

 

En conclusion, rien ne s’oppose à ce qu’une société place ses économies de trésorerie dans des immeubles de placement.

 

Emile Masset

Rédacteur en chef de Fiscalnet

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